Une décision récente du Tribunal des droits de la personne de l’Ontario, A.B. v. Joe Singer Shoes Limited, 2018 HRTO 107, montre à quel point le harcèlement sexuel peut s’avérer coûteux pour les employeurs. Le Tribunal a accordé 200 000 dollars de dommages-intérêts généraux à la plaignante pour atteinte à la dignité, aux sentiments et à l’estime de soi suite à des actes répétés d’agression et de harcèlement sexuel perpétrés par son chef, qui était également son locateur. Cette somme est la plus élevée jamais accordée par le Tribunal pour des faits de harcèlement sexuel.

Le Tribunal s’est focalisé sur la vulnérabilité de l’employée et sur la gravité des mauvais traitements dont elle a fait l’objet durant plusieurs années. Les faits étaient suffisamment sensibles pour justifier une interdiction de publication. Dans cette affaire, l’employée a attendu un certain temps avant de se manifester parce qu’elle avait peur de perdre son travail. En tant que parent unique d’un fils handicapé, elle était particulièrement vulnérable.

Du fait de la sensibilisation accrue au harcèlement sexuel et à l’inconduite sexuelle, la législation sur le harcèlement sexuel se retrouve au cœur de l’actualité. L’octroi de dommages-intérêts aussi élevés vient rappeler avec force qu’une simple réprimande ou des excuses ne suffiront plus.

Les employeurs connaissent bien le problème et s’efforcent de gérer et de corriger l’inconduite sexuelle depuis plusieurs décennies. En revanche, l’industrie de la formation et de l’éducation qui s’est développée ces dernières années est un phénomène relativement nouveau. Une simple recherche sur Google montre qu’il existe de multiples programmes de formation visant à mieux informer les responsables et les dirigeants sur la marche à suivre pour repérer les harceleurs et éviter un milieu de travail toxique.

Je me dois d’être totalement transparente, puisque j’ai moi-même organisé et animé un grand nombre de programmes de formation sur la sensibilisation et de séminaires sur les droits de la personne.

De manière générale, ces programmes ont porté leurs fruits et ont largement leur place. Ils sont devenus une exigence juridique dans la plupart des milieux de travail. Cela dit, la formation aurait-elle modifié le cours des événements dans l’affaire susmentionnée? Probablement pas. L’agresseur considérait qu’il était en droit de traiter son employée de la sorte. Parce qu’elle savait ce qui pouvait arriver si elle parlait, l’employée a choisi de garder le silence pendant de longues années.

Un article récent du New York Times, « Sexual Harassment Training Doesn’t Work. But Some Things Do. » (11 décembre 2017), fournit un cadre utile et propose des idées novatrices qui méritent réflexion. Au lieu de mettre l’accent sur ce que les gens ne devraient pas faire, peut-être devrions-nous expliquer quelles sont les attentes? Comment procéder pour ce faire? Même si cela paraît rétrograde, la formation sur la courtoisie peut constituer un élément de solution.

L’article mentionne également des programmes de formation élaborés pour l’Equal Employment Opportunity Commission, dont le point de départ consiste à demander aux participants de réfléchir à une liste de comportements respectueux. Les exemples cités sont basiques; il s’agit par exemple de saluer le travail accompli, de s’abstenir d’interrompre ses interlocuteurs, de ne pas exécuter d’autres tâches pendant les conversations, et de demander aux employés leurs opinions pour qu’ils se sentent moins marginalisés. Ce type de formation sur la courtoisie peut trouver plus d’écho chez les employés qu’une énième présentation PowerPoint sur les rouages internes de la législation sur les droits de la personne.

La lutte pour l’égalité des sexes est loin d’être terminée. Grâce à l’amélioration de la formation sur les attentes professionnelles, ainsi qu’à la promotion et à l’avancement continus des femmes à des postes supérieurs, des changements plus significatifs en milieu de travail pourraient toutefois commencer à voir le jour.